LA FORET DE ROUMARE EN 1424 :
Bulletin de la Société libre d'émulation du commerce et de l'industrie de la Seine-Inférieure de 1903.
En 1424, les Anglais, affermis dans la possession de Rouen et des environs, voulurent mettre de l'ordre dans l'administration de la forêt de Roumare. Elle fut déclarée close par cri général et solennel.
Les habitants des paroisses de Saint-Georges-de-Boscherville, Canteleu, Sahurs, Saint-Martin-de-Quevillon, Saint-Pierre-de-Manneville, Hotot, Saint-Jean du Val-de-la-Haye, Déville, Maromme, Montigny, Hénouville, Varengeville, la Vaupalière, Saint-Thomas-la-Chaussée, Roumare, Villers en
portion et Saint-Jean-du-Cardonnay en portion, empêchés par ce cri de jouir des droits d'usage qu'ils prétendaient avoir en la forêt, présentèrent à Jean de Robessart « en une cédulle » les droitures auxquelles ils prétendaient et les rentes et devoirs auxquels ils étaient tenus pour cela.
Jean de Robessart interrogea, au sujet de ces droits, Jean Larchiér, verdier de la forêt, Jean Bruffault, sergent à cheval, Naudis, sergent à garde, Pierre Fossé dit Clergeon, Raoul Mahieu, également sergents à garde, Gautier Pied de Huche, sergent à cheval, Richard Nustes, Pierre Achier, Pierre Duret, Jean le jeune, marchands de bois, et plusieurs autres, et sur leurs dépositions, on arrêta les droits des 17 paroisses coutumières de la forêt ainsi que les charges des habitants.
Cedulle : Billet ou écrit portant citation
Verdier : Désigne en ancien français le garde-forestier
Voici quels étaient les droits et les charges des habitants de ces 17 paroisses, d'après l'enquête qui fut faite en 1424.
Ils ont le droit d'avoir dans la forêt le hêtre par entrée, c'est-à-dire qui commence à se sécher, en payant 5 sous par charretée, et quand ils le prennent tout vert ils en paient 12 sous. Ils ont le chêne par entrée en payant 10 sous la charretée, et quand il est tout vert, ils en paient 20 sous et n'ont pas l'arbre qui est vendu au profit du roi. De même ils ont les fourches et ongles de hêtre en payant 5 sous par charretée. Ils prennent les fourches et ongles de chêne en payant 10 sous de la charretée, 2 sous pour la charge d'un cheval et 12 deniers pour celle d'un homme. Ils ont également les branches de chêne et de hêtre au-dessous de 17 pieds sans payer amende, et s'ils dépassent les 17 pieds ils paient 10 sous pour une charretée de chêne et 6 sous pour le hêtre. Ils ont le mort-bois en payant 5 sous de la charretée, 2 sous de la charge d'un cheval et 6 deniers de celle d'un homme. Ils peuvent prendre le bois de caable s'il y en a moins d'une charretée ; s'il y en a plus ils le peuvent jusqu'à ce qu'il ait été marqué par le sergent. Ils ont le tremble, saule, le marsaule et le charme si l'on n'en voit sept d'une vue, le genêt, l'épine noire, la fougère et la feuille, hors deffens.
Pour leurs bêtes, vaches et chevaux, ils paient 12 deniers tournois quand elles sont trouvées en deffends 1 par le sergent et 4 deniers par porc. Lorsque leurs bêtes ont été trouvées trois fois entre deux plaids elles sont forfaites et acquises au roi. Quand il y a panage, ils paient 6 deniers pour chaque porc, et quand le panage n'est pas vendu, les « exfruits » ou l'arrière-panage sont aux coutumiers sans rien payer.
Ils ont l'argile et le sablon, la marne et le caillou par le congé du verdier. Quand une vente de vif-bois a atteint l'âge de douze ans elle doit être rendue aux coutumiers pour le pâturage ; les ventes de mort-bois doivent leur être rendues à sept ans. Ils peuvent tendre leurs filets et pipper en la forêt; quand un homme fait sa maison coutumière, il peut prendre un arbre pour le faîtage par livrée du verdier. Ils ont pâturage pour toutes leurs bêtes, excepté chèvres, et porcs qui n'y vont point aux mois de mai, d'août et de septembre, jusqu'à la Saint-Michel.
Il y en a qui prennent le bois livré par le verdier sur le commandement et ordonnance du maître des Eaux et Forêts « et est icelle livrée appelée ou nommée guerbages, parquages, telage et caruage et pour cause de ce paient au roi plusieurs devoirs, c'est assavoir : guerbes, deniers, tourteaux et qui a charue une journée de charue par an, et se font et paient les dits droits et devoirs au fermier qu'il tient la ferme de la maîtrise de Roumare pour le roy ».
Les coutumiers peuvent se vendre les uns aux autres leurs maisons et tout bois et tuile avec l'autorisation du verdier, pourvu que ce soit dans les limites de la coutume, mais sans pouvoir rien en transporter au dehors. Ils sont tenus de payer au roi le XIIIe denier de ces marchés, qui se cueille par le fermier de la maîtrise de Roumare.
Les redevances que les coutumiers devaient payer étaient dues soit en argent, soit en nature, gerbes, tourteaux, soit des corvées : une journée de charrue. Les redevances dues pour le panage devaient être payées aux fermiers du panage, les autres devaient l'être au fermier de la maîtrise de Roumare.
Panage : Lorsqu'il y avait du gland en abondance, il y avait panage, et les porcs devaient alors payer, pour entrer dans la forêt, une redevance spéciale dite aussi panage. La concession du droit de panage est très fréquente
Photographies de Fernande Obselin
LA FORET DE ROUMARE EN 1669 :
Sous Louis XIV, la forêt royale de Roumare, déjà réduite dans sa contenance depuis quatre cents ans, mesure encore au moins huit mille trois cents arpents (quatre mille deux cent trente-trois hectares). Elle est assise sur le territoire de onze paroisses, qui sont : Canteleu, Maromme, Montigny, la Vaupalière, Hénouville, Saint-Martin, Quevillon, Saint-Pierre, Sahurs, Hautot et le Val-de-la-Haye, qui font partie du doyenné de Saint-Georges, un des huit du grand archidiaconé de Rouen.
Il est permis aux habitants de Montigny, Saint-Thomas-la-Chaussée et Sahurs « de tendre leurs rais aux videcos et piper en la forêt hors deffens, pour payer chacun rais 4 deniers »
Les églises de Canteleu, Montigny, Saint-Pierre, Sahurs, Hautot, ont été reconstruites il y a moins de cent ans (en se plaçant au milieu du XVIIe siècle) ; celle de Quevillon vient d'être entièrement remaniée.
Tel est, au XVII° siècle, l'entourage de la forêt de Roumare, qui bientôt, après 1669, sera circonscrite d'une manière continue par des fossés pris sur le sol des riverains, en exécution des prescriptions de la célèbre ordonnance. Si maintenant nous pénétrons dans l’intérieur, nous n'y trouvons aucune route empierrée; rien que des mauvais chemins de traverse. Elle est divisée en cinq garderies : Canteleu, Maromme, Hénouville, Saint-Georges et Saint-Pierre, qui comprennent ensemble vingt triages dont les noms se sont perdus pour la plupart.
Bornage entre la Forêt du Roy et le Bois de la Commanderie
Selon l'abbé Cochet, jusque dans les années 1860, les nourrices du hameau du Genetay, à Saint-Martin-de-Boscherville, attachaient une couronne tressée, pour préserver les enfants confiés à leurs soins de la fièvre, aux genêts de la forêt de Roumare. Cette superstition était partagée par les femmes de Hautot, Sahurs et la Bouille. Cela n'empêchait pas les cadavres des petits rouennais de peupler les cimetières de ces communes. Aussi, lorsque des parents confiaient leur enfant à des nourrices mercenaires, avait-on coutume de dire : « ils l'ont mis sur le bateau de la Bouille ». Cette locution désignait un nouveau-né dont la mort est prochaine.
Les inondations de 1910 (Journal de Rouen du 27 janvier 1910)
La traversée entre Rouen et La Bouille mérite d’être faite en ce moment. C’est un spectacle rare et fantastique que celui de ces étendues illimitées de près inondés. Jusqu’à La Bouille, dont la place est submergée, le voyageur est tenu en haleine par le paysage grandiose et désolé.
A ceux qui disposeraient d’un véhicule, nous conseillons de monter à Canteleu, de tourner à gauche devant l’église et de s’enfoncer dans la forêt, sur le chemin qui par le hêtre des gardes, pique tout droit sur Sahurs. Cette forêt est actuellement recouverte de neige. Les chemins sont d’une blancheur immaculée, et le givre en s’attachant aux milles branches des chênes et des sapins, a créé, par là des paysages féériques et impressionnants qui feront la joie des photographes. Mais que ceux-ci ne s’attardent pas trop. Qu’ils continuent plutôt leur chemin jusqu’au rond de la Martel ; arrivés là, ils tourneront à gauche et au bout d’un kilomètre, toujours au milieu du même et beau décor, ils s’arrêteront tout à coup immobilisés par la grandeur sauvage du panorama qui se déroulera sous leurs yeux. A leurs pieds ils verront le Val-de-la-Haye, inondé ; puis un fleuve, large au moins de douze à treize cent mètres, dont la rive opposée baigne les maisons de Petit-Couronne et de Grand-Couronne ; un fleuve immense, d’où émergent des bouquets d’arbres qui sont des îles ; des petites taches multicolores qui sont des guérites de douaniers, des masures, noyées dans cette nappe liquide.
Par décret du 30 août 2007, le massif de la Forêt de Roumare a été classé "Forêt de protection" sur une superficie de 4 924 hectares, sur le territoire des communes de Canteleu, Hautot-sur-Seine, Hénouville, La Vaupalière, Maromme, Montigny, Quevillon, Roumare, Sahurs, Saint-Martin-de-Boscherville, Saint-Pierre-de-Manneville, Saint-Pierre-de-Varengeville et Val-de-la-Haye. Le massif comprend la forêt domaniale, des bois communaux et des bois privés.
En juin 2015, la Forêt domaniale de Roumare, d’une superficie d’environ 4 000 hectares, a reçu le label "Forêt d'exception" décerné par l'ONF, ce label vise à récompenser les démarches d'excellence mises en œuvre dans des forêts domaniales emblématiques.
La seconde édition de la « Forêt Monumentale » se tient sur la commune de Canteleu de juin 2024 à septembre 2026.