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25 novembre 2016 5 25 /11 /novembre /2016 06:01
Aperçu de Moïse Obselin sur le reportage de 1939

Aperçu de Moïse Obselin sur le reportage de 1939

Le sort du mafieux Attilio Dessi (1895-1939) à Hautot-sur-Seine

Acte de décès d’un inconnu du 13 mars 1939 à Hautot-sur-Seine :

Le treize mars mil neuf cents, douze heures quarante, nous avons constaté le décès d’un individu du sexe masculin, dont l’identité n’a pu être établie et dont la mort parait remonter à vingt quatre heures à peine. Le signalement est le suivant : le défunt paraissait âgé de trente cinq à quarante ans, mesurant 1m. 70, il avait les cheveux bruns, le front découvert, le sourcil épais et une bonne denture. Il était vêtu d’un maillot blanc, d’une chemise en percale blanche à rayures rouges. Il ne portait ni chaussures ni pantalon, sur la jambe gauche une plaie profonde de 12 cm de long sur 5 cm de large, plaie régulière qui paraissait avoir été faite par un chirurgien. L’individu portait d’ailleurs plusieurs pansements sur différentes parties du corps. Le cadavre portait de nombreux tatouages, particulièrement à l’avant bras droit et sur les deux pieds. Le corps a été trouvé au bord de la Seine, au lieu dit « le passage d’Hautot sur Seine ». Dressé le jour sus dit, treize heures, sur la déclaration de Moïse Obselin cinquante cinq ans, débitant, domicilié en cette commune qui lecture faite a signé avec nous, Georges Poullard, maire d’Hautot sur Seine, chevalier de la Légion d’Honneur.

Le sort du mafieux Attilio Dessi (1895-1939) à Hautot-sur-Seine

Journal de Rouen du 15 mars 1939 : A marée basse, on découvre en Seine le cadavre d’un homme

La découverte d’un cadavre en Seine n’est pas chose si rare pour qu’on y attribue ordinairement une importance bien grande. Les riverains sont habitués à ces « repêchages de noyés » qui se produisent, pourrait-on dire, périodiquement. Le plus souvent, après les formalités d’usage, on arrive aisément à identifier le corps et à classer l’affaire dans les catégories : suicides ou accidents. C’est bien devant un cas semblable que pensait se trouver un docker de Saint-Pierre-de-Manneville, M. Gaston Husson, quand il aperçut lundi, peu après midi, un cadavre en bordure de la Seine. Mais, cette fois, l’affaire devait sortir de l’ordinaire et se révéler - jusqu’à présent du moins - fort mystérieuse.

Les promeneurs qui, durant les beaux jours, se rendent au Val-de-la Haye, poussent généralement une pointe jusqu’à la colonne Napoléon. De là la route de Sahurs longe le fleuve sur une bonne distance : à droite, en allant vers Hautot-sur-Seine, c’est la prairie. On aperçoit seulement au fond la cabane du passeur, au coude que forme la route pour rejoindre le centre d’Hautot. L’endroit est désert, pour ne pas dire sauvage, et sans doute il avait été repéré. Vers 12 h. 40, M. Gaston Husson, 32 ans, s’en allait reprendre don travail à Grand-Couronne. A cette heure, la marée était basse. A cent mètres environ du passage d’eau d’Hautot, M. Husson vit le cadavre d’un homme en bordure de Seine. Il avertit aussitôt M. Moïse Obselin, conseiller municipal, qui se rendit à l’endroit indiqué, accompagné de son employé, M. Dodard. Les gendarmes Charlier, commandant par intérim de la brigade de Grand-Couronne, Michel et Dumontier, prévenus arrivaient peu après pour procéder aux constatations. Le corps, presque nu, était couché sur le dos et baignait légèrement dans l’eau. Il ne présentait pas l’aspect d’un noyé. Un pansement volumineux entourait la jambe gauche. A côté du cadavre, on devait également trouver une couverture, blanche d’un côté, rose de l’autre, un cache-nez avec un nœud coulant, enfin une pioche de terrassier neuve. L’outil, peint en noir, n’était pas rouillé et n’avait donc pas séjourné longtemps dans l’eau. Tous ces détails indiquaient bien qu’on ne se trouvait pas devant une noyade banale.

M. Poullard, maire d’Hautot, fit mander le docteur Lobel, du Val-de-la-Haye. Le corps qui avait été amarré par M. Obselin avec un grappin fixé à l’un des pansements fut remonté sur la berge. L’homme paraissait âgé de 35 à 40 ans. Mesurant 1 m. 70, il avait les cheveux bruns, une barbe de plusieurs jours, le front découvert, les sourcils épais et une bonne denture. Il était vêtu d’un maillot blanc, d’une chemise en percale blanche à rayures rouges. Il ne portait ni chaussures ni pantalon. On remarquait plusieurs pansements sur différentes parties du corps. La jambe gauche portait une plaie profonde de 12 cm de long sur 5 cm de large, plaie régulière qui paraissait avoir été faite par un chirurgien. On relevait également un pansement à la main gauche, un autre à l’épaule droite et au poignet droit.

Quelle est l’origine de ces blessures ? Elle apparait difficile à fixer, d’autant plus que ne découvrit aucune trace récente de coups sur le corps. Signalons encore une cicatrice ancienne à peine guérie, sur le côté gauche. Doit-on voir là des traces de coups de couteau ? On ne peut l’affirmer. Ce qui retint l’attention des enquêteurs, ce fut la quantité de tatouages relevés sur le corps. Citons entre autres sur l’avant-bras droit, un cœur transpercé d’un poignard et l’inscription « Clemence 1915 » ; sur le pied droit avec l’inscription « Marche ou crève » ; enfin sur le pied gauche, trois mots : « Biribi qui passe ». Ces marques « distinctives » indiquent, semble t’il, que la victime appartenait à un milieu spécial. Aideront-elles les enquêteurs dans leur tâche difficile ? c’est possible. D’après les conclusions du docteur Lobel, le corps aurait séjourné moins de 24 heures dans l’eau. Ne pouvant se prononcer sur les causes et les circonstances du décès, le praticien refusa le permis d’inhumer.

Le Parquet de Rouen, composé de M. Turquey, juge d’instruction, Nicou, greffier, accompagnés du lieutenant de gendarmerie Le Mouël, commandant la section d’Elbeuf ; du commissaire divisionnaire Dargent, de la 3° brigade mobile ; du commissaire Léoni, de l’inspecteur Soudais s’est transporté à Hautot hier après midi. Une information a été ouverte. Le corps avait été déposé dans une grange. C’est là que fut pratiquée l’autopsie par le docteur Godbille, médecin légiste, et M. Blanchet, préposé à la morgue. Il semble que l’homme vivait encore au moment où il a été jeté à l’eau. Quelques renseignements très utiles pour la suite de l’enquête ont pu âtre recueillis. C’est ainsi que des pêcheurs qui préparaient leurs engins la nuit sur la rive gauche de la Seine, ont déclaré que vers 3 heures, dans la nuit de dimanche à lundi, deux automobilistes avaient stationné près du passage d’eau d’Hautot. Les pêcheurs ayant donné quelques coups de sifflet, les deux véhicules, tous phares éteints avaient démarré à toute vitesse vers Rouen. Est-ce à ce moment que fut jeté en Seine le corps retrouvé quelques heures plus tard ? Parviendra-t-on à connaitre l’identité de la victime, celle des automobilistes, et s’il y a eu crime, réussira-t-on à mettre la main sur les meurtriers ? Le mystère qui entoure cette étrange affaire doit rende très délicate la tâche des magistrats et des enquêteurs.

Le sort du mafieux Attilio Dessi (1895-1939) à Hautot-sur-Seine

Journal de Rouen du 25 mars 1939 :

Le mystérieux noyé d’Hautot-sur-Seine semble bien être le redoutable bandit Attilio Dessi. Il avait participé à l’attaque du train d’or près de Marseille.

Le crime d’Hautot-sur-Seine, qui semblait si mystérieux va t’il être éclairci ? Jusqu’ici, il avait été impossible d’identifier le cadavre découvert au bord du fleuve, le 13 mars au matin. On ne savait donc quelle piste suivre pour tenter de découvrir les mystérieux automobilistes dont les allées et venues nocturnes avaient été remarquées par des pêcheurs occupés sur la rive gauche à poses des filets.

Or, voici que, grâce aux nombreuses photos, prises avec grand soin par le service anthropométrique de la 3° brigade mobile, grâce aux mensurations relevées peu de temps après la mort et surtout en raison du relevé très précis des multiples tatouages de l’inconnu, l’une des brigades mobiles qui, à travers la France, reçurent un dossier fort complet, a pu identifier l’inconnu.

La brigade de Marseille - qui connait parfaitement les dix bandits qui attaquèrent un train à Saint-Barthélémy - six de ces individus sont arrêtés - a rapidement reconnu le noyé d’Hautot-sur-Seine comme étant un dangereux Italien fortement tatoué et portant notamment un cœur transpercé et ce prénom « Clémence » marqué sur la poitrine. Ces coïncidences firent penser qu’il s’agissait d’Attilio Dessi, né le 31 janvier 1895 à Sassari (Italie), interdit de séjour, expulsé, recherché par le parquet de Marseille, à la suite de l’attaque du train de l’or, le 21 septembre dernier, à Saint-Barthélémy, près de Marseille. La comparaison des empruntes digitales recueillies par la 3° brigade mobile avec celles conservées au fichier central du contrôle général des recherches permet désormais d’assurer que le mystérieux noyé d’Hautot-sur-Seine est bien le redoutable bandit Attilio Dessi.

Mais comment cet homme a-t’il été amené là ? Pourquoi portait-il des blessures récentes et en voie de cicatrisation, recouvertes de pansements sommaires ? Pourquoi tout son corps était-il marqué d’innombrables plaies faites comme avec un cigare allumé ? Pourquoi n’avait-il pour le couvrir qu’une chemise et une veste de pyjama ? Pour le moment, toutes ces questions restent sans réponse. Tout ce qu’on sait, par des témoignages précis, c’est que deux autos, venant de Rouen, passèrent à Hautot à 2 h. 50, en redescendirent à 3 h. 20 et s’arrêtèrent à hauteur de l’endroit où le cadavre d’Attilio Dessi fut retrouvé le lendemain. Les automobilistes seraient certainement demeurés plus longtemps en cet endroit désert, si les pêcheurs, qui se trouvaient sur le rive gauche, n’avaient sifflé pour faire voir aux automobilistes - qu’ils prenaient pour de simples promeneurs nocturnes - qu’on les voyait. Aux coups de sifflet, les automobilistes éteignirent les phares de leurs véhicules et disparurent vers Rouen. Ils abandonnèrent auprès du corps - Attilio Dessi n’était pas mort à ce moment - une couverture et une pioche neuve. Cet outil devait-il leur servir à creuser la tombe de Dessi, enseveli dans la couverture ?

Quel est le mobile du crime ?

Les enquêteurs pensent que ses complices voulaient s’emparer de l’or que Dessi avait volé dans le train de Saint-Barthélémy. Attilio Dessi, assure-t-on, s’était réservé le plus grand nombre de lingots. Six des dix individus qui firent le coup avec lui, sont arrêtés ; sont-ce les trois autres qui ont voulu lui faire dire, en le torturant, où il avait caché les lingots d’or ? Et parmi ces trois individus, que la police recherche en vain depuis six mois, se serait trouvé le chef de la bande : Auguste Mela, 41 ans, né à Marseille. Ou bien Attilio Dessi a-t’il été la victime d’autres gangsters, qui, sachant l réussite du coup organisé par la « bande à Mela » voulurent rançonner celui qui en avait gardé la plus grosse part ? Rien jusqu’ici ne permet de pencher pour une thèse plutôt que pour l’autre. Mais ce qui est très vraisemblable, c’est qu’Attilio Dessi a été victime d’individus qui l’ont torturé pour le faire parler. Dans quel but ? Connaitre l’endroit où il cachait l’or ?

Mais pourquoi ce crime, qui a ses origines non dans notre région, mais à Marseille, s’est il déroulé à Hautot-sur-Seine. Certains enquêteurs pensent qu’Attilio Dessi voulait gagner les Amériques par Le Havre. Rejoint au moment de son départ, il fut gardé par eux dans un endroit secret et sûr où ils tentèrent de le faire parler en le torturant. Mais pourquoi est-ce à Hautot-sur-Seine que l’Italien fut jeté en Seine ? Pour essayer d’éclaircie tous ces mystères, sur lesquels une information a été ouverte par M. Turquey, juge d’instruction, M. Dargent, commandant divisionnaire, chef de la 3° brigade mobile, a prescrit un certain nombre de recherches et de contrôles. Après avoir fait à Rouen des recherches, qui n’ont rien donné, le commissaire Léoni a enquêté hier au Havre. Il a tenté de savoir si Attilio Dessi y avait essayé de s’embarquer, soit sous un faux état civil, soit clandestinement. Il a également cherché trace du passage des deux automobiles suspectes et des trois individus, non encore arrêtés, qui participèrent à l’affaire de Saint-Barthélémy, notamment du chef de la bande, Auguste Mela.

Le sort du mafieux Attilio Dessi (1895-1939) à Hautot-sur-Seine

Journal de Rouen du 29 mars 1939 : la mort mystérieuse d’Attilio Dessi Hautot-sur-Seine

M. Turquey, juge d’instruction, qui a ouvert une information contre X, pour homicide volontaire, à la suite de la découverte, à Hautot-sur-Seine, au bord du fleuve, du cadavre du gangster italien Attilio Dessi, a reçu les résultats de l’examen des viscères du noyé. Le docteur Guerbet a établi que l’Italien avait absorbé une forte quantité d’alcool : près d’un litre ; en tous cas plus d’un demi-litre. L’expertise vient donc confirmer les résultats de l’autopsie faite par le docteur Godbille, médecin-légiste : Attilio Dessi avait été torturé pendant la dizaine de jours qui précédèrent le meurtre. La plaie de la jambe gauche en est la preuve : elle comprend deux déchirures parallèles, sur le sens de la hauteur, et une déchirure transversale. Ces chairs étaient nettement en voie de cicatrisation.

Plus récentes étaient les plaies circulaires, faites avec régularité comme avec des pointes de cigares enflammés. On peut donc formuler une hypothèse vraisemblable ; Attilio Dessi a été brutalement frappé, puis torturé avec raffinement, puis il fut contraint d’absorber une forte quantité d’alcool, qui agissant comme un narcotique ou un anesthésiant, lui fit perdre le contrôle de lui-même et la notion des choses. Il était pratiquement sans connaissance quand il fut jeté en Seine par les occupants des deux mystérieuses voitures.

Mais, en dehors de ces faits, l’instruction n’a point appris d’autres faits nouveaux. Le magistrat instructeur recherche l’origine de la couverture et de la pioche, toute neuve, à manche noir, abandonnés près du cadavre. Par là on pourrait peut-être savoir l’endroit, fort difficile à déceler, où les assassins d’Attilio Dessi l’enfermèrent pour le torturer et lui faire avouer le lieu où il cachait les lingots, provenant du « train de l’or ». Cet endroit, d’où ils enlevèrent en pleine nuit, le gangster, vêtu d’une chemise et d’une veste de pyjama, ne doit vraisemblablement pas avoir été tellement éloigné de l’endroit où le corps fut jeté. Les assassins avaient, en effet, intérêt à parcourir un trajet aussi court que possible. C’est pourquoi on pense de moins en moins qu’Attilio Dessi a été amené du Havre à Hautot-sur-Seine. Mais où a-t’il été torturé ? Et par qui ? Est-ce par les trois membres de la «  Bande à Méla », qui, depuis l’attaque du «Train de l’or », à Saint-Barthélémy, n’ont pas encore été arrêtés ?

Extrait du Journal de Rouen du 18 juin 1939 : Auguste Méla serait l’auteur de l’assassinat

La première brigade de la Police mobile de Paris et la gendarmerie de l’Oise ont réussi, hier matin, à La Morlaye, une capture très intéressante. Auguste Méla le redoutable bandit Marseillais qui commanda l’attaque du train d’or de Marseille, condamné à mort par contumace, recherché pour deux tentatives de meurtre, objet de sept mandats d’arrêt, a été mis hors d’état de nuire (…)

D’après les renseignements de la police mobile, Méla serait l’auteur de l’assassinat de l’homme tatoué trouvé dans la Seine, à Hautot-sur-Seine, le 13 mars, et dont le corps était tailladé de coups de couteau et rasoir, et portait de nombreuses brûlures. L’autopsie a révélé à l’époque que l’homme tatoué avait été jeté vivant à l’eau.

 

Auguste Méla (1897-1960) est condamné en septembre 1940 par la cour d'assises d'Aix-en-Provence à dix ans de réclusion criminelle.

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